Si tu savais « Roses-Oreilles »*
La tempête noire de tes pas
Entée sur la poussière
De mon crâne noir
Voile
Frénésie en mon cœur
Jusqu’au délire
Et plus loin sous l’eau glauque des aubes
L’enthousiasme amoureuxEt puis
La senteur moite de mon corps
Immergé dans l’onde brûlante
Des rues emplies
Apparences de cous nègres colletés
Abcès incandescents des fers
Scarificateurs
Le long de ma nuque sacrifiée
Chute la roséeJe t’attends
La nuisance du pavé
Sa luxuriance impie d’agora du sacrificeLa chaleur du pavé
Lit brûlant pareil à un métal rougi
Creusé du prix de nos chairs meurtries
Taraudées
TorduesJe t’attends
Si tu savais « Roses-Oreilles »
La senteur amère de ton corps
La charge de mon cœur
La tristesse de tes yeux
La fatigue impitoyable
La fatigue de mes muscles jusqu’à épuisementEt puis
Comme mes mains ont pétri la boue de cannes tendres
Foulé la fange franchi le fleuve
Donné la vie trouvé la mortEt puis
Comme mon regard marron
T’as suivi
T’as cherché
Derrière le noir et l’or
De tes motsEt puis
Si tu savais « Roses-Oreilles »
Les fissures de la terre
Sous la brillance de tes pasLa peur de ta nudité
Devant l’ardeur de mon corpsLes boursouflures européocentristes obscènes
De tes joies
Sur le rideau croupi des gueuseries africainesSi tu savais
La poisse carmin sur mon front
Dans la moiteur des ruesLes fenêtres brisées
Par les appels sans échoLa rue dénuée de lumière
La rue sans portes
Profonde
À la semblance d’une ravine
Sombre
Un torrent souterrainLes cris des fauves affolés
Les prunelles luisantes
Juste un peu avant l’aubeLes nuages morts
En relief
Sous la lueur des lunes couchéesTout un jardin déchiqueté
IncompréhensibleToute une armée de cent millions de jambes enchaînées
Tout un cloaque imprévisibleSi tu savais
Mes murs jaunis
Mes murs salis
Mes murs impuissants
Mes murmures de murs morts
Les mots vains
Les douleurs vraies
« Quart-mondistes »
Les révoltes éthiopiques
Nos peurs d’exilésSi tu savais « Roses-Oreilles »
M’aimer
Si tu savais
Tu aurais peur
Brieuc-Yves Cadat, Montpellier, 17 juin 1979
* Terme désignant, chez certain.e.s écrivain.e.s francophones de la négritude, l’européen colonisateur.
Categorieën:Poésie
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